Le Point

Ian McEwan

Sur la plage de Chesil
De Ian McEwan. Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon (Gallimard)

Une jeune fille que l’idée d’être "pénétrée" révulse, un jeune homme fougueux que son désir embarrasse, une nuit de noces catastrophique : peut-on imaginer sujet plus risqué en nos temps dits libérés ? Le roman se passe en Angleterre, en 1961, bien avant que la "cool attitude" ne pourrisse le monde. En 160 pages éclairantes, drôles et pathétiques, tout est dit avec sobriété de la génération qui nous a précédés. Indispensable.

Ritournelle de la faim
De J. M. G. Le Clézio (Gallimard)

Avec Ritournelle de la faim , Le Clézio revient à une veine autobiographique. Portrait d'une jeune femme, Ethel, qui ressemble à sa mère. Après la défaite de 1940, acculée à la fuite au-delà de la ligne de démarcation, Ethel, qui fut enfant choyée, connaît les privations terribles de l'Occupation. S'y ajoute le cinglant tableau d'une bourgeoisie française raciste. L'auteur, depuis la sortie du roman, est devenu un superbe prix Nobel.

La route
De Cormac McCarthy. Traduit de l'anglais (États-Unis) par François Hirsch (L'Olivier)

Il est peu commun qu'un chef-d'oeuvre soit aussi un best-seller. Cormac McCarthy a pourtant vendu deux millions d'exemplaires de son dixième roman rien qu'aux États-Unis.Tableau d'une apocalypse après une catastrophe ou une guerre, La route raconte une déroute, celle d'un père et de son fils errant dans un no man's land dévasté. Ce roman vous étreint dans une émotion d'une intensité rarement atteinte dans la littérature.

Chaos calme
De Sandro Veronesi. Traduit de l'italien par Dominique Vittoz (Grasset)

Un homme qui vient de perdre sa femme décide de ne plus retourner travailler. Et passe ses journées garé devant l'école de sa fille. Tout le monde compatit et commence à défiler dans la voiture de cet homme devenu "prise de terre" de la souffrance occidentale. Culotté, bouleversant, incroyablement fin, Chaos calme , adapté au cinéma avec Nanni Moretti dans un parfum de scandale, est l'un des phénomènes de l'année.

Un traître
De Dominique Jamet (Flammarion)

Tous ceux qui ont longtemps lu dans Le Quotidien de Paris la prose de cet insatiable journaliste attendaient ce roman. À 72 ans, Dominique Jamet récompense la patience de ses aficionados avec ce livre bouleversant qui relate le parcours de Jacques Vasseur, chef de la Gestapo d’Angers de 1942 à 1944, et dernier Français condamné à mort pour collaboration. Une sorte de traître absolu en opposition parfaite avec son propre père, que Jamet avait déjà admirablement décrit dans Un petit Français.

Le seigneur de Bombay
De Vikram Chandra. Traduit de l'anglais par Johan-Frédérik Hel-Guedj (Robert Laffont)

Le seigneur de Bombay est-il la version indienne et romanesque de Gomorra ? Huit ans d'investigation dans la pègre de Bombay pour ce roman fleuve aux airs de Scarface à Bollywood, coulant des temples hindous aux quartiers chauds, et des frontières du Tibet aux palaces de Goa. Un pavé criblé de balles parfumé au masala, qui mouille, qui grouille, et fiche la trouille.

Victor Hugo, tome II. Pendant l’exil : 1851-1864
De Jean-Marc Hovasse (Fayard)

On croyait connaître Hugo ? Erreur. Hovasse nous fait partager, jour après jour, ses années d’exil. Cette biographie inspirée nous dévoile un intellectuel qui éclabousse le second Empire avec les terribles accusations des Châtiments. Puis il rédige, entre deux baignades, Les Misérables et La légende des siècles. Il brille alors, étrange, splendide. Sa famille se ronge d’ennui sur le rivage.

Sans offenser le genre humain
D'Élisabeth de Fontenay (Albin Michel)

L'homme commet-il un crime lorsqu'il tue un animal ? Faut-il lui reconnaître des droits ? Neuf ans après Le silence des bêtes (Fayard), la philosophe est de retour : "Je ne récuse pas la domination, mais la chosification, la totale instrumentalisation des animaux", décrète-t-elle dans cet essai courageux, exigeant et brillantissime.

L’homme qui tombe
De Don DeLillo. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marianne Véron (Actes Sud)

Juste après le 11 Septembre, un survivant couvert de sang, revient chez lui et tente de revivre avec son ex-femme. L’homme qui tombe est le nom d’un artiste de performances qui se jette dans le vide "pour de faux", métaphore de l’art qui invente la réalité et tente une catharsis de la catastrophe. Narration fragmentée, langage mis en pièces et images distordues, DeLillo a écrit là le plus beau roman sur un événement qu’il avait prémonitoirement décrit douze ans plus tôt dans Joueurs.

Un candide en Terre sainte
De Régis Debray (Gallimard)

Voici le premier livre dédié à la fois à un ex-libraire de gauche et à un ex-président de droite : Maspero et Chirac. Histoire de voir quel goût a l'Évangile au¬jourd'hui, l'ex-compagnon de route du Che a mis ses pas dans ceux d'un autre révolutionnaire : Jésus-Christ. À pied et en Jeep vers les portes étroites, d'obscurantismes en puits de lumière et de Judée en Samarie, le sherpa Debray livre un récit stimulant, tout en fragments scintillants, frôlé par le souffle des prières et des tirs de roquettes.