Charbel Dagher

traduits par Naoum Abi-Rached.

1- Ce prosterné

Est un roc
Qui lit
Un livre
D’une page, initiale et finale.

Il lit dans un papyrus
Ce qu’il n’hésite pas à consigner
Dans des lignes qui se suivent,
Effacées et visibles
À la fois.

Celui qui se dresse,
Main pétrifiée,
Me fait-il un signe d’adieu,
Ou m’accueille-t-il sur un seuil,
Devant lequel je m’arrête sans hésiter ?

Cette allongée qui n’a cure,
Ni de l’air qui caresse son roc,
Ni de l’herbe qui pousse entre ses genoux,
Il la maintient, jambes en l’air,
Dans une concupiscence
Inassouvie…

Ce déplacé, léger comme un oiseau,
Comment pourrait-il lire,
Dans la vie de la pierre,
La concupiscence des hommes?

2 - Prenant tes bras pour mon horizon.

J’atteins des limites
Devancé par mes chaînes...
J’atteins les limites de mon endurance,
Limites de mon envie,
Limites de ma souffrance ;
Elle-même, limite de ma reconnaissance
De m’avoir amené
Là où je ne peux me rendre
Qu’avec toi
En toi.
Limites de la peur quand me saisit
Le désir de l’extrême élan,
Résiduel au fin fond de la vigueur,
Dans ses dernières gouttes,
Dans les larmes de mon corps,
Dans ce qui jaillit de moi
Et me devance.

Car ton réveil ranime le vent
Vacant entre nous deux, ranime le désert
De nos deux corps, l’agençant
De nouveau en vent
Chargé, rempli et imprégné
De nos deux flammes. Alors, le corps se réfugie
Dans ce qu’il a
De scintillant.
Nus, enveloppés d’une parure
De feu, qui fait notre force,
Nos présages, qui édifie ce qui la protège
La rendant maîtresse d’elle-même,
Au point que le feu a de quoi s’occuper, de quoi
Ranimer l’espace qui l’entoure. Comme si
Les cils de tes yeux pouvaient
Baisser un rideau
Qui me convie et m’enveloppe.
Et moi, je ne t’écoute pas, mais
Je tends l’oreille aux chuchotis
Murmurés sur toi ; issus des frôlements
De lèvres, des frottements de l’opalin
Des cuisses, des élans de ton cœur ou de ses exigences
Celées avant que ta voix ne fuse
Comme des sons de cloches remontant du fond
De la vallée, emplissant ses bords et ses recoins, jaillissant,
Débordant du plein d’écume
Et répandant l’explosion de la volupté
Tu cries :
De cette dimension, de ce désir, je t’appelle ; écoute-moi donc et viens à ma rencontre.

  1. Extrait de : Charbel Dagher « Obscurités aux aguets », l’Harmattan, 2005, pp. 115,117
  2.  extrait de « Chœur oriental » « takht charqi »

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