Aziz Zaâmoune

Abdellatif LaabiQuoi qu’il dise - ou ne dise pas – il ne faut surtout pas le croire, et pour cause : un poète ça ment intrinsèquement.

A moins d’être son complice, et dans ce cas on aura deux menteurs avérés, faisant œuvre commune….

Aussi, quand A. Laâbi écrit-il dans son recueil Le spleen de Casablanca (paru en 1996 aux éditions La Différence), qu’il veut pour une fois «désappartenir», fuir ces lieux d’ici et de là-bas qui l’habitent, en finir avec toute cette comédie - sûrement au sens où l’entend Rimbaud – faut-il le croire pour autant ? Peut être vous mène t-il en bateau…

Mais alors quel bateau, dans ce cas?...

Celui d’une quête toujours renouvelée et qui a, du reste, commencé dès 1969 avec L’œil et La Nuit , le poème itinéraire-itinérant, pour se poursuivre inexorablement jusqu’à aujourd’hui « dans le bruit d’une ville sans âme ». Et peu importe qu’il s’agisse de Casablanca, Rabat ou Paris, puisque l’objectif affiché du poète étant d’apprendre « le dur métier du retour ».

D’où pour lui, à chaque jet d’encre (ou levée d’ancre….), à chaque texte, à chaque recueil, c’est un nouveau départ qui ne ressemble à aucun autre, un départ « dans l’affection et le bruit neufs » (toujours selon Rimbaud).

Poèmes périssables

…..
De cette feuille
Dite vierge
Que sortira-t-il
Un bouton de seringa
Ou une fleur carnivore?
C’est moi qui tremble.
(Abdellatif Laâbi)

Il vous mène en bateau donc, avec pour voiles toutes dehors cependant, un peu de bon sens à opposer à ce « monde qui croule sous les apparences », si bien qu’ « il va crever de résignation », ainsi que beaucoup de rêves, de visions et d’insatisfactions fertiles, histoire de humer Fès à Paris ou Grenade et se tromper de galère.

C’est cela même le spleen Laâbi, pour qui voudrait bien céder à la tentation. Et qu’importe le reste… « à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance » (dixit Baudelaire) ?

Dommage que lors de la soirée qui lui a été consacrée dernièrement à Rabat, le plaisir de l’assistance n’a été que de très courte durée, le débat qui a précédé et qui ne volait pas bien haut, ayant débordé sur l’essentiel, à savoir le temps imparti à l'œuvre
et au parcours singuliers d'un poète qui dérange.

Comme quoi on voulait voir Laâbi et on n’a pas vu Laâbi, ou alors très peu.
Normal, la valse a mis l’temps !...

Comme toujours.

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