Rénia Aouadene
(Algérie)

Mukhtar
à Mukhtar

Renia_souadeneC’est un cri
qui vient de Peshawar.
C’est celui de Mukhtar,
cette femme qui ose.
C’est celui d’une femme
qui affronte les hommes,
tous ceux de Peshawar,
ceux de la Jiriya
qui ont touché son corps.
Quand le cri de Mukhtar
se moque des frontières,
son appel au secours
nous met tous mal à l’aise.
Un cri qui nous dérange,
nous qui savons,
qu’à Peshawar,
Mukhtar ne pourra plus
vivre, survivre à peine !

Abdelrahman Premier

Il était un palmier
qu’Abdelrahman premier
un temps avait planté.
Comme lui, il était
et il le lui disait
immigré, exilé.

Il était un jasmin
dont le parfum si fort
traversait les ruelles
atteignant le palais
du prince de Cordoue.
Chaque nuit, il aimait
cette odeur inhaler,
en jouir jusqu’à l’ivresse
et rêver de Damas.

Il était un patio
plutôt une orangeraie
débordant de ces fruits
d’amertume et de sucre.
Abdelrahman avide
buvait et savourait
chaque suc, chaque goutte
comme pour se souvenir
de ces années passées
au palais de Damas,
dans le sein de sa mère.

Fragile Abdelrahman,
tu les as tant pleurés,
ta mère la berbère
et ton père l’arabe !

Superbe Addelrahman,
C’est ton sang de calife
qui coulait dans tes veines,
c’est lui qui t’obligea
à quitter ton royaume
quand sous tes yeux, les tiens
furent exterminés
au nom d’un héritage
violemment convoité.

Oh non ! Abdelrahman
Calife des califes
toi qui fis de Cordoue
la fille lumineuse
qui éclaira longtemps
une Europe assombrie.

Repose en paix, Calife
le joyau le plus beau,
c’est toi qui le bâtis.
Les Arabes aujourd’hui
Sont en pleine folie.

Bougie, Bejaia, Bgayet

Lorsque le Tariq ibn Zyad accoste au port de Bejaia,
le voyageur prie pour que la mer ne soit pas déchaînée
devant ces côtes accidentées.

Au loin, on aperçoit surplombant la ville, Ima Gouraya,
lieu saint, lieu de prières où tant de pèlerins ont imploré Dieu et son Saint.
Qui a quémandé la guérison de son enfant,
qui a supplié pour que sa fille soit mariée,
qui a mendié la nourriture pour les siens …

Bejaia la musulmane regorge de lieux saints.
A l’intérieur le mausolée de Sidi – Abdelkader
et sa fontaine censée purifier les âmes,
effacer les péchés, apporter la paix…
A l’extérieur, Sidi – Saïd où
les femmes se regroupent pour faire égorger
la chèvre ou le mouton afin de nourrir les hordes de misérables
venus des villages alentour qui accourent aux cris de
« C’est un jour d’Aumône, venez manger l’assiette de couscous ! »
Un pèlerinage de plus afin de demander à Dieu, protection …

Bougie et sa place Guédon d’où le désespoir se jette.
Combien de jeunes filles, de jeunes garçons se sont envolés
devant l’absence d’issue, d’espoir, de projet.
Des rues soudain peuplées de fellahs,
paysans ayant abandonné à l’indépendance, en ces
jours glorieux, leurs gourbis, leurs terres, leurs villages…
Fellahs sans illusions, sans rêves
et sans passions.
Ils sont donc descendus pour remplir des baraques
et respirer l’odeur de ces hydrocarbures,
choix ô combien prioritaires d’une Algérie indépendante
au détriment d’une agriculture qui nourrissait
les français du temps de Madame la France !

Bougie devenue monstrueuse !
Constructions anarchiques,
toujours, toujours plus haut, encore, encore plus vaste !
Propriétaires spoliés, terres dérobées, maisons occupées,
Bougie se dresse inhumaine, sale mais encore fière.

Bgayet, la kabyle, peuplée d’enfants, bâtards, ingrats, naturels, légitimes,
debout, assis, couchés, recroquevillés
aux regards hagards, violents, haineux,
malheureux, impuissants mais si verts, si bleus, si noirs….
Berbères courageux,
de printemps en printemps qui sillonnent les rues
en criant leur slogan « Ulach Smah, Ulach Smah ! »
Aucun pardon, aucun pardon
pour un pouvoir criminel, assassin d’enfants kabyles.

Bgayet crie son attachement à sa culture,
rêve de ses ancêtres, éternels oubliés
au fin fond du livre d’histoire où jamais
n’a été écrit qu’elle était descendante du peuple Imazighen,
celui des hommes libres

Bgayet et ses poètes, ses chanteurs, ses écrivains,
ses sculpteurs inconnus qui pourtant ne demandent
qu’à déverser leur art dans les rues de la ville
pour bien montrer combien cette ville est si riche.

Bougie n’a plus de traces de ces enfants maltais,
de ces beaux italiens et sardes et siciliens, lascives andalouses…
Un jour ils sont partis, ils ont laissé Bougie.
Mais oui, ils l’ont pleurée ! je les ai rencontrés.
Ils ont toujours rêvé un jour d’y retourner.

Bejaia, Bougie, Bgayet !
C’est surtout ces visages, ces silhouettes de femmes
trop longtemps effacées, égarées, écorchées.
On les a vu pourtant déferler dans les rues
pour demander justice quand l’enfant innocent
sous les balles est tombé.

Bgayet, c’est ma ville, non je n’y suis pas née,
moi fille de Marseille.
C’est l’âme de ma mère qui traverse ces rues,
que je viens retrouver, chaque fois un peu plus.
Alors, je l’imagine enfant, adolescente,
jouant dans ces ruelles en ces temps de la France.

Bgayet, Bejaia, Bougie !

Rose des sables

Rose des sables
qui s’imprègne
de ta chaleur torride

Tu es mon Sahara
je suis ta fleur ardente
engloutie dans tes sables
mouvants

Je suis la flamme
qui illumine
le reflet de ton corps
qui jaillit sur le mien

Je suis l’irruption
d’un volcan
sa lave éparpillée
au fin fond de l’océan

Je suis ton éternel regret
échec inavoué
le brasier qui te hante

Je suis le feu du
Souvenir !

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