Maram al-Masri

Devant ta boutique,Maram al-Masri
moi, la voleuse de bonbons
aux doigts devenus collants,
je n'ai pas réussi
à en mettre un seul dans
ma bouche.
 

* *

Quelle sottise !
Dès qu’on frappe à mon cœur
il s'ouvre.
 

* *

Le désir m'embrase
et mes yeux scintillent.
Je range la morale dans le premier tiroir venu,
me change en démon,
bandant les yeux de mes anges
pour
un baiser.
 

* *

Je suis apeurée
comme une gazelle devant les yeux de ta faim,
aime-moi en silence
et laisse-moi
m’interroger.
 

* *

J'attends,
et qu'est-ce que j'attends ?
Un homme chargé de fleurs,
et de mots doux.
Un homme
qui me regarde et me voie.
Qui me parle et m'écoute.
Un homme qui pleure
pour moi,
alors j'ai pitié de lui
et je l'aime.
 

* *

J'ai vu des traces
de pas
points noirs
qui vont et viennent.
La neige blanche
dont on dit qu’elle est
pure,
a trahi
les oiseaux, les chats
et les fantômes de mes pensées,
avant que le soleil paresseux ne se lève,
pour effacer
tout cela.
 

* *

On frappe à la porte.
Qui est-ce ?
Je cache la poussière de ma solitude
sous le tapis,
j'arrange mon sourire,
et j'ouvre.
 

* *

Un étranger me regarde,
un étranger me parle,
je souris à un étranger,
je parle à un étranger,
un étranger m'écoute,
devant
ses peines propres et blanches
je pleure,
sur la solitude qui unit
les étrangers.

* *

Ils pénètrent nos vies
comme des ruisseaux,
de sorte
qu’ils nous submergent,
et nous ne savons plus
qui nous a donné
l'eau et le sel,
et qui a déposé
en nous cette
amertume.
 

* *


Une femme aux yeux tristes
à la peau fine.
Une femme aux pas lourds
à la lente respiration,
rêve d'un homme
qui rende la sève
à son rêve.
 
D'elle-même
sans que je l'invite,
elle vient me rendre visite.
Elle tourne autour de moi
je la chasse,
alors
telle une mouche noire
une mouche laide et noire.
Ici elle vole, là elle bourdonne
et se pose au fond de mon cœur.
La mélancolie
est une vache idiote,
elle rumine
le vert et le sec
de ma joie.

Quelques poèmes de
Cerise rouge sur un carrelage blanc
© Titre original : Karaza Hamra Ala Baalaten Obbiad,
Editions de L'or du temps, Tunis 1997.
© Traduction : François-Michel Durazzo
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Maram AL-MASRI est née en 1962 à Lattaquié en Syrie, sur cette rive de la Méditerrannée, située à vingt miles marins à peine de l'île de Chypre. Exilée à Paris depuis 1982, cette jeune syrienne, après un premier livre publié en 1984 à Dainas sous le titre Je te menace d'une colombe blanche, revient à la poésie avec Cerise rouge sur carrelage blanc, édité à Tunis par les éditions de l'Or du Temps, en 1997. Le tout récent prix du Forum culturel libanais en France, qui porte cette année le nom du poète libanais Adonis, est destiné à récompenser toute création littéraire arabe et lui a été attribué en mars 1998.
présentée par FM Durazzo)extraits de preface)

www.interromania.com/literatura/puesia/ghjurnata_puesia/2002/ghjurnata_2002.htm

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