Hommage

Harold PinterHarold Pinter, salué comme le dramaturge britannique le plus influent de sa génération, est décédé après un long combat contre le cancer. Prix Nobel de littérature, intellectuel engagé, notamment contre la guerre en Irak, il avait 78 ans.

Il avait écrit une trentaine de pièces, dont «Le gardien» (1959), qui l’avait rendu célèbre. Il avait également écrit des scénarios pour le cinéma, notamment «The Servant» (1963) de Joseph Losey avec Dirk Bogarde et «La maîtresse du lieutenant français» (1980) avec Meryl Streep et Jeremy Irons.

Harold Pinter est décédé mercredi des suites d’un cancer, a annoncé jeudi son épouse, Lady Antonia Fraser.

En le distinguant en 2005, l’Académie des Nobel a souligné que «Pinter ramène le théâtre à sa base élémentaire, la pièce close et le dialogue imprévisible, où les êtres sont livrés les uns aux autres et où le déguisement se brise. Avec un minimum d’intrigue, le drame surgit de la lutte et du cache-cache dans la confrontation verbale». Dans sa «comédie de la menace», l’auteur laisse le spectateur «écouter le jeu de domination et de soumission qui se cache dans les conversations les plus banales».

Harold Pinter a profité de la tribune que lui offrait le Nobel pour dénoncer avec véhémence la guerre en Irak. Sur les conseils de son médecin, il ne s’est pas rendu à Stockholm pour la cérémonie, enregistrant une vidéo de son discours. «L’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’Etat patenté, témoignant d’un absolu mépris pour la notion de droit international», y déclarait-il, estimant que le président américain George W. Bush et le Premier ministre britannique Tony Blair devaient être «appelés à comparaître devant la Cour internationale de justice».

Né le 10 octobre 1930 dans un faubourg de Londres, fils d’un tailleur juif, Harold Pinter intègre l’Académie royale d’art dramatique en 1948. Il commence sa carrière comme acteur, avant d’écrire des pièces comme «L’Anniversaire» (1958) ou «L’amant» (1962).

Dans «Le gardien» (1959), qui l’a rendu célèbre, un vieil homme manipulateur menace le fragile équilibre d’une relation entre deux frères. «Le retour» (1964) explore la sexualité ambiguë et la rage cachée d’un ménage exclusivement masculin en y faisant pénétrer une femme.

Harold Pinter excelle à juxtaposer la banalité et la brutalité. Ses personnages vivent souvent dans un espace clos, où ils s’organisent une existence bien réglée et morose. Mais leurs actes viennent contredire leurs paroles et, progressivement, le vernis se craquelle, laissant entrevoir leur vulnérabilité.

«Le discours que nous entendons est une indication de ce que nous n’entendons pas», a un jour déclaré le dramaturge. «C’est une fuite nécessaire, violente, sournoise, un écran de fumée railleur et angoissé qui maintient l’autre à sa véritable place». Selon lui, «une façon d’envisager la parole est de la considérer comme un stratagème constant pour couvrir la nudité».

Dans les années 1980, Pinter n’écrit que des pièces en un acte, dont «Une sorte d’Alaska» (1982) et «Langue de la montagne» (1988) qui ne dure que 20 minutes. Vers la fin de cette décennie, ses oeuvres deviennent de plus en plus ouvertement politiques, leur auteur mettant en avant sa responsabilité de «citoyen du monde».

Harold Pinter a aussi publié de la poésie, un roman intitulé «Les Nains» (1990). Il a rédigé de nombreux scénarios pour le cinéma: «The Servant» (1963), «Accident» (1967) et «Le Messager» (1970), tous trois tournés par Joseph Losey, «La maîtresse du lieutenant français» (1980) de Karel Reisz, «L’Ami retrouvé» (1988) de Jerry Schatzberg et plus récemment «Le limier - Sleuth» (2007) de Kenneth Branagh, avec Jude Law et Michael Caine.

Le dramaturge avait un fils, Daniel, né de son mariage avec l’actrice Vivien Merchant, dont il avait divorcé en 1980 pour épouser la même année la femme de lettres Antonia Fraser, auteure de biographies historiques et de romans policiers. «Cela a été un privilège de vivre avec lui pendant plus de 33 ans», souligne sa seconde épouse, qui l’avait rencontré dès 1975. «Il ne sera pas oublié».

AP | 25.12.2008

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