Badr Shakir Assayyab

Traduit par Shaker LAIBI

1

Fenêtre de Wafiqa, au sein du village
Enivrée, donne sur le patio.
Ses planches sont entrouvertes
(Wafiqa attend la marche de Jésus au Golgotha)

- Icare frôle le soleil
de ses plumes de vautour.
L’horizon le saisit
et le jette dans les ténèbres du tombeau.
Fenêtre de Wafiqa, ô arbre
qui respire dans le crépuscule éveillé…
Le regard attend chez toi
Et observe la fleur du pommier.
Bouayeb  est une ode
Et le vent répète
les mélodies de la pluie sur les palmes.

***

Wafiqa attend en regret.
Du fond du tombeau elle attend :
Quand il passera, la  rivière lui parlera
Lors d’une journée de fête.
Il brille comme une cloche ;
il siffle comme les grains de l’âme.
le vent répète
les mélodies des gouttes de pluie…
le soleil s’amasse dans les palmes…
Est-ce une fenêtre qui rigole dans le scintillement ?,
ou une porte qui s’ouvre dans la muraille ?
Des îles de parfums fuiront-elles
Une âme impatiente au nom de la lumière ?
Oh rocher de l’Ascension du cœur !
Oh Tyre de l’union et de l’amour !
Oh sentier qui monte vers Dieu !
Sans toi les brises ne rient pas pour le village…
Dans le vent, traîne un arôme
Venant du cercle de la rivière qui nous chuchote et nous enrichit…
(Oh déesse marchant dans les vagues)
Les vents lui rappellent les îles oubliées :
« nous avons vieilli. Oh vent, délivre-nous !»)

Le monde ouvre sa fenêtre.
Par cette fenêtre bleue
Il devient solitaire en changeant
Ses épines en fleurs qui doucement se parfumeront.

Une autre fenêtre comme toi se trouve au Liban…
Une autre fenêtre comme toi en Inde…
Au Japon, une fille rêve
Comme Wafiqa qui, dans son tombeau, rêve
d’ éclats verts et de tonnerre.

Fenêtre de Wafiqa, au sein du village
Enivrée, donne sur le patio.
Elle brûle ses planches.
(Wafiqa attend la marche de Jésus au Golgotha.)

2

Apparais, car ta fenêtre bleue
Est un ciel affamé.
Je l’apercevais à travers les larmes
Comme si un bateau m’agitait.
Si ton visage doré,
Sorti de sa coquille, est comme Ishtar
Qui marche avec un pagne d’écume,
comme une verdure sillonnant  sur les deux côtes.
Et dans le port fermé :
Les mers font leurs prières.
Je suis comme un oiseau marin, étranger,
Qui traversa la mer au coucher au soleil,
Et qui tournoie autour de ta fenêtre bleue
Voulant trouver en elle le refuge
De la nuit qui atterrit sur elle…
Tu n’as pas ouvert.
S’il y a juste entre nous une porte
Je serai jeté chez toi
Et regarderai tes yeux.
C’est la mort et le monde inférieur !
C’est l’impossible abasourdi !
J’imagine tes yeux comme deux creux
Se donnant narquois au monde.
Sur la rive de la mort, ils sont deux portails
Qui font signe au Venant :

Ta fenêtre bleue qui
S’enfonce dans l’obscurité,
Apparaît comme une corde tirant la vie
vers la mort pour qu’elle ne meure pas .
Tes lèvres sont pour moi les plus délicieuses des lèvres.
Ta maison la plus chère parmi toutes les maisons.
Et ton passé le plus joli de ma présence :
C’est l’impossible abasourdi,
C’est le parfait bien fini,  qui ne veut pas
Que l’on désire le parfait.
De lui, il y a dans mon esprit, une ombre étendue
Et de lui, il y a dans ma présence un avenir.

***

Est-ce que l’oiseau de lilas est venu vers toi
Pour que tu voles à l’aube avec lui ?
Est-ce le sommeil du matin pur qui a jeté
Sur ta voix plaignante son voile ?
Tu as ouvert tes yeux au crépuscule
Sur une piste verte
Où le reflet du rayonnement est le guide
Vers la dune et la maison de marbre.
Là-bas, le soir de fine verdure est,
De la mûre, ombre et ruisseau.
À la porte, le beau prince a tendu
Ses bras en accueillant la Venante :
«Depuis l’hiver dure mon attente…
Pourquoi une telle circonspection et pourquoi l’interception ?»

Tant s’en faut que tu reviennes de ce voyage,
Est-il possible qu’une morte rentre d’un voyage ?
Djaykour 24 –4-1961

 


 

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