Raphael  Patino
Raphael  Patino 

 

Revenant de la belle plaine de l’extase
Une paire de sorcières jouant du luth
Acharnées à creuser un peu plus
La main incendiée de l’exil
Elles parlent du comte Cortanucas
Murmurent, grognent, lancent des cendres au vent
Précieux instant pour que cette pie
Enroule son écharpe de trèfle
Et presque de biais… t’aime


Ballade de Jean Arthur de Galle

Désertique l’œil se plaint de la nuit
Et un chien assyrien renifle dans la gorge
Quoique avant on me croyait fou
Mon habitude vespérale de jade humant
Le loyolesque rire de Verlaine, ses amis idiots
Irritaient mes nuits de glandes et de pierreries

C’est qu’ils ne comprenaient pas que j’étais en eux tous
L’olympique désir d’inconstance


Ballade de lisière de lune

Ton prénom était Té, agape d’étoiles
Un musicien absent jouait à ta fenêtre
Silencieuses démences fleuries

Tu t’appelais lisière de lune
Les renardes laissèrent une trace rouge
Entre les baisers
Les cercueils de l’amour
Un arbre à l’écorce fragile
Servirent d’espions à la nuit

Tu t’appelais lisière de lune,
Si je t’ai touché, aujourd’hui ton prénom est de silence

 

Ballade de la féroce continuité

Quand se vide le vide de ma fugue
Je vivrai trois siècles successifs
Je pâturerai des rêves comme scintillent des étoiles

Au rivage de l’après midi
J’entends des cris
Sur une couche de lactescence
Se sont des forêts craintives de l’homme
Forêts où je fus moins qu’une fourmi
Champignon à la saveur argentée
Raccourcis qui esquivent la raison
Portes, air, liberté


Ballade du Jaloux

Si un troupeau de vols commande abubilla
Le jaloux fronce les sourcils et étire son délire ;
Si son amour nage dans la quiétude d’un albâtre
Le jaloux tourne sa roue d’os

Qu’est-ce qui me perdra…- se demanda-t-il-
Peut-être le clignotement du jeune caucasien
Qui m’habite entre souffles violents

Le mastiff qui aboie dans la carrière de l’être
Qu’est-ce qu’il annonce si ce n’est la tête pourfendue de l’amante

Lui qui presse son nocturne
Et égoutte le regard sur le reflet du jour
Il n’a pas foi de la jalousie ni du sommeil ni du repos
Dix jeunes nagent nus
Dans l’obscure lagune de tes yeux
Alors le jaloux se complait à sucer son propre sang
Pendant que les fantômes copulent
Entre la lave obscure de ta chance


Ballade dans l’escalier

Ça suffit, glaïeuls
L’après midi d’aconit me pousse
Vers le rire inexpressif
Moi-même  j’accompli mon mépris
Je sèche mon verbe ou je me traîne nuit dehors

Immobile ici avec mon sépale d’amour
La nuit de la cellule imprime des ouvriers
Dans les fenêtres vides de mes yeux

Ta surprise est ma hâte
Qui souffle de l’autre côté

Rien ne se dit cet après midi
Seul ton sommeil dans mon escalier
Seulement notre amour
Qui de chambre en chambre vague


Danse des masques

Chaque fois qu’il regarde à nouveau
Il te trouve plus belle
Si ce n’était pas à cause du silence
Le masque tombé
Renoncerait à son identité absente

Avec quel visage me présenterai-je à l’aurore ?
Avec les présents d’être cet être absent de soi ?

Nausées, rictus calcinations
Qui n’arrivent pas à atteindre notre hâte immobile…
 
Nous continuons nageant dans des lacs d’étain
Assortis avec la nuit
Lacérés par cette  brise de l’être
Nous serons des arômes végétaux
L’obscurité nous boira avec sa bouche


Danse pour compter les os de l’oubli

Il y a un trou au milieu du temps
C’est la figure de l’hasard

J’abîme l’habitude d’aimer
L’amour indolore et fuyant
Qui vient derrière le sillage du murmure
Serais-ce sapience ou folie
Ce reptile de sang entre l’idée ?

Pendant que la mer fouette son dos
Je me dédie à compter les os de l’oubli

 

Matinée dans ta marée
Pour ma Vénus 

Je vis dans la matinée de ta marée
Tricotant des échos avec le pouls en marées hautes
J’enfonce mon rêve dans ton hébergement
Où mon Juglar chante son air
Emmitouflé entre un rubis de la nuit
De la musique est entre la peau
Le toucher délire dans une mer tacite
Vent ou la voix projette ta silhouette
A la poupe le cul se redresse
A la proue la tête annonce ton plaisir


Amanezcar 

Dire neuf
Comme qui dit neuf

Et très campé


Sifflant entre le nord,
D’une veste usée

Et un sud d’eau
Dans la chaussure

Don Soleil

Très bonnes !


Moquerie de la faucheuse

Pendant que le caméléon tire sa langue
Comme le temps est lent !
Souche du ciel, roues luminaires
Nymphe, Naïades et Danaées
Par quelle fissure s’échappe l’existence

Temps long fuyant de la mort
Quand elle se distrayait dans les poètes
Tu peignais des paysages éblouissants
Où sur des chariots d’absinthes
Tout un bestiaire entrait en scène 
Exécutant une danse de feu

Longtemps s’échappant de la faucheuse
Qui se distrayait dans les peintres
Tu combinais des herbes amères
Avec le blanc de zinc d’une dalle
Et le bleu de prince de ta dague
Avec l’iode lunatique du rhum
Seulement pour écrire un mot intense
Avec un feu suffisant pour égarer tes pas
Sur le faux estuaire qui borde la nuit

Longtemps fuyant de la mort
entre la nuit oxydée de la fumée
tu musquait d’exquis  baumes
Pour asphyxier l’insistance de son odorat
Pendant derrière les murs invisibles
Le vent drapait ton atavío avec ses plumes

A peine hier et entre clairons et timbales
La guerre s’enracinait dans nos rêves
Et la mort s’entretenait dans les croisées
Pareille à un blafard Hamelin
Jouant une mélodie irrésistible
Pour égarer le radieux défilé de la vie
Vers de mortels précipices

Et en haut, en haut dans le hiatus tournant des cimes
Entre le bois de soie où dort le poème
Quand la mort circonspecte joue de son ocarina
Tu comprends que sera en vain
Te sentir en sécurité dans la cachette de la peau
Quelque chose saute hors de toi pour te regarder
Pendant que ton rêve se fond dans un soleil coagulé

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